Comment faciliter la coopération en entreprise
Comment peut-on faire pour faciliter, en entreprise, la coopération, la communication et la compréhension entre services ? Comment créer une transversalité entre les différents services ?
C’est une question que m’a posée la référente transformation d’une entreprise française.
Bien que traditionnellement structurées en silos, les organisations doivent aujourd’hui favoriser la coopération inter-services afin de faire face aux grands changement qui arrivent : automatisation, changement de modèle d’organisation, digitalisation, intelligence artificielle …
Or, la coopération en entreprise va bien au-delà des simples réunions inter-services ou des échanges ponctuels d’informations. Et c’est que je vous propose d’aborder dans cet article 😁
L’importance de la transversalité et de la coopération en entreprise
Contexte
Une entreprise est organisée en plusieurs directions, que l’on peut appeler service, section ou encore division.
La direction financière, direction ressources humaines, direction des services informatiques, direction juridique, directions des achats …
Chacun de ces directions est dirigée par … un directeur et elle dispose généralement d’un budget, d’une stratégie et de projets qui lui sont propres.
Chaque direction mène donc ses propres activités, elle a son organisation, ses propres projets et les personnes qui font partie de chaque direction travaillent et s’organisent ensemble.
➜ C’est ce que l’on appelle un silo !
Or, de nos jours, au vu de l’incertitude économique, géopolitique, des nombreux changements informatiques, organisationnels et de la complexité croissante des projets, les entreprises doivent faciliter la transversalité et la coopération entre les services, notamment lorsqu’il y a des projets de changement.
Définir la transversalité
La transversalité peut se définir comme la capacité d’une organisation à travailler de manière coordonnée et fluide, en dépassant les frontières des services ou hiérarchiques pour poursuivre un objectif commun.
Selon Henry Mintzberg, la notion de transversalité renvoie à l’importance de la « coordination latérale » entre les départements.
Sa réflexion est que les entreprises travaillent « naturellement » de manière verticale : un manager a plusieurs subordonnées qui, eux même ont plusieurs subordonnés.

Modèle d’organisation de Mintzberg
Et selon ses travaux « travailler en transversal », c’est-à-dire entre services, va bien au-delà de quelques réunions ponctuelles : il s’agit de créer un véritable « maillage » entre les différentes équipes avec comme bénéfice de faciliter :
- la co-construction des solutions
- le partage des connaissances
- l’innovation.
Le lien avec la coopération en entreprise
La transversalité est étroitement liée à la coopération. Les termes peuvent même se confondre (j’explique à la fin de cette partie comment différencier les deux termes)
La coopération est la capacité de différents acteurs internes ou externes à unir leurs forces et leurs expertises pour servir un objectif partagé (Edmondson & Harvey, « Cross-Silo Leadership », Harvard Business Review, 2017).
Dans un contexte de changement, la coopération permet de réduire les résistances, de lever les incompréhensions et de mobiliser plus largement les ressources disponibles.

C’est typiquement ce que permet de créer un réseau d’ambassadeurs : le changement est porté par une coopération entre les acteurs des différents services.
Par exemple, un projet de transformation digitale d’entreprise ne peut aboutir efficacement que si les équipes IT, RH, Finance, Juridique et Opérationnelles collaborent en échangeant régulièrement entre management et équipe, et qu’il y a une volonté partagée de co-construire.
Et c’est avant tout aux chefs de montrer l’exemple !
Comment distinguer transversalité et coopération
La transversalité est une organisation qui facilite la coopération, tandis que la coopération est une attitude et une action collective qui peut exister même en l’absence de transversalité formelle.
En résumé :
Transversalité ➜ mode d’organisation
Coopération ➜ action concrète
1ère étape pour faciliter la coopération en entreprise : une vision commune et des objectifs partagés
Créer une vision commune
La vision est la base d’un travail collectif.
Concrètement, une vision d’entreprise est une projection inspirante de ce que l’entreprise aspire à devenir à long terme, orientant sa stratégie et ses actions vers un futur souhaité.
Voici quelques visions d’entreprises :
- Google : “Organiser l’information du monde et la rendre universellement accessible et utile ».
- Tesla : “créer le constructeur automobile le plus convaincant du 21e siècle en pilotant la transition mondiale vers les véhicules électriques”.
- IKEA : “Créer un meilleur quotidien pour le plus grand nombre« .

Atelier de définition de la vision d’entreprise
Dans le cadre du projet/programme de votre entreprise, vous pouvez ce travail de vision avec un atelier de vision/mission. Cette vision du projet est une vision subordonnée à la vision d’entreprise.
L’objectif est que chaque service s’approprie le but commun.
Exemple :
Voici la mission de GRDF (Gaz Réseau Distribution France) :
« Agir pour donner au plus grand nombre le choix d’une énergie d’avenir, performante, renouvelable, sûre et abordable, au cœur de la vie des territoires«Et voici quel pourrait être la vision collective de GRDF dans le cadre d’un projet de transformation de leurs outils informatiques :
« Moderniser nos outils pour garantir une distribution du gaz plus sûre, plus fiable et plus respectueuse de l’environnement«La vision du projet s’inscrit dans la continuité de la vision d’entreprise tout en étant à l’échelle du programme de transformation
Co-construire les objectifs
À la suite de ce travail de vision du projet, chaque service contribue à définir ses propres actions et indicateurs.
Les indicateurs peuvent être partagés et ils peuvent être également propres à chaque service.
Par exemple :
Passage de 10 outils informatiques à 6 outils, réduction de 40% du nombre d’incidents informatique.
2e étape : instaurer une gouvernance et impliquer le top management
Maintenant que vous avez la vision, il s’agit de la mettre en mouvement avec des forces humaines et de cadrer la démarche.
L’implication du management
Dans un premier temps, l’appui visible et actif du top management est un facteur déterminant dans la réussite d’une démarche de coopération entre services dans une entreprise.
Comme le souligne Prosci, la méthodologie de conduite du changement la plus populaire en entreprise, le sponsoring efficace est le premier facteur de succès pour faire faciliter les changements.
Les dirigeants et directeurs de département peuvent faciliter la démarche en montrant qu’ils coopèrent de manière active, visible et dans la durée.

Le manager, en se montrant actif et visible, fait passer un message visuel (et bien sûr oral) fort !
Ce n’est pas parce qu’ils sont managers qu’ils doivent se limiter à valider la démarche ou à allouer des ressources (en recrutant un consultant, par exemple).
Dans l’entreprise, la coopération entre services sera réellement efficace si les managers portent le message, mobilisent les équipes et construisent un réseau inter-services.
Voici quelques bonnes pratiques :
- Participer activement aux réunions clés et aux rituels (c’est la partie visible)
- S’adresser directement aux collaborateurs pour expliquer l’enjeu de la coopération et les bénéfices attendus (c’est la partie active )
- Encourager et valoriser les efforts des équipes impliquées (c’est la partie reconnaissance)
- Maintenir un engagement constant pour éviter que le projet perde son dynamisme (c’est agir dans la durée)
Définir un cadre clair
Pour faciliter la coopération inter-services, la mise en place d’une gouvernance est une étape structurante.
La gouvernance est un système qui établit les responsabilités, tranche les conflits et rend des comptes dans un projet ou une organisation.
Exemple :
Les questions portant sur les systèmes d’information seront posées au service informatique, les questions sur les données seront posées aussi bien au service Ressources Humaines (si cela concerne la GRPD) qu’au service informatique.
Les bénéfices d’une gouvernance sont :
- le processus est clair : on sait à qui poser la question ou dans quelle instance/comité
- il y a une coordination entre les acteurs
- Il y a un suivi des actions menées
- C’est efficace
Voici quelques exemples de comité :
1. Comité de Pilotage (COPIL) : c’est une instance de gouvernance qui suit l’avancement du projet, planifie les jalons clés et arbitre les décisions. Il est composé des chefs de projet, des décideurs et éventuellement de représentants des parties prenantes.
2. Comité Stratégique (COSTRAT) : Cette instance définit la stratégie de l’entreprise et s’assure que les projets sont en accord avec cette stratégie. Il est composé de la direction, des chefs de projet et des décideurs.
3. Comité de Crise : Il se réunit en cas de situations critiques ou imprévues affectant le projet, ce comité prend des décisions rapides pour résoudre les problèmes urgents.
Et voilà de bonnes pratiques de gouvernance :
- Clarifier dès le départ le périmètre et les responsabilités de chaque comité et acteurs.
- Le cadre de pilotage doit être simple, mais efficace : calendrier avec les dates des instances, tableau de bord partagé, les livrables attendus doivent être clairs également, les points d’étape sont réguliers avec des (bons) comptes rendus de réunion partagée.
- La communication doit être fluide entre les comités et les équipes opérationnelles
3e étape : Mettre en place des rituels et espaces de collaboration
Les rituels, aussi bien de notre quotidien que dans notre vie professionnelle, créent une dynamique, mais également une stabilité grâce à leur récurrence.
Voici quelques exemples de rituels :
Les rituels agiles
Ce type de rituel est court.

Ce rituel permet de faire circuler rapidement l’information. Petit conseil : véhiculez des messages forts, on se fiche des détails dans ce format
Il consiste à avoir un moment où les différents services sont réunis dans des endroits formels ou informels (cafeteria ou encore au milieu de l’open space) pour faire un point de synchronisation (hebdo ou mensuel) sur ce qu’il s’est passé depuis le dernier échange.
Exemple :
Lorsque j’étais en mission dans le groupe Adecco, j’animais la « Weekly Management Update ». C’était 30 min de réunion chaque semaine dans laquelle chaque chef de projet faisait part de ses avancées, ses problématiques et le futur du projet. Nous étions environ 80 personnes à y participer.
Créer des moments de rencontre informels
Ces rencontres sont ponctuelles et généralement autour d’une thématique, comme par exemple des petits-déjeuners ou des afterworks.
L’objectif de ces échanges est de briser les silos.
Afin de faciliter les échanges, voici quelques idées pour casser les frontières entre services :
- Le tirage au sort : l’idée est de trouver les noms au hasard et d’organiser des échanges entre personnes de services différents. Par exemple : “je choisis 2 membres par service et je leur propose un café”, ou encore « trouver une personne d’un autre service qui fait le même sport que moi »
- Partager des anecdotes : chaque personne écrit une anecdote sur son parcours et elle-même sur un papier. On mélange tous les papiers et chacun tire une anecdote qui ne lui appartient pas. Il doit deviner qui en est l’auteur.
Un espace de collaboration en ligne
Il existe aujourd’hui une multitude d’outils collaboratifs (Teams, Slack, etc.) et c’est une très bonne chose.
Profitez-en pour créer un espace dédié à des échanges entre les services dans lesquels des messages et des fichiers peuvent être partagés.

C’est plus engageant lorsque l’outil est facile d’accès et d’utilisation
Quelques bonnes pratiques :
- Demander à chaque responsable de service de nommer un représentant du service qui est responsable de relayer les messages sur Teams.
- Si vous voulez aller encore plus loin : vous pouvez mettre en place un réseau d’ambassadeurs ou de personnes référentes pour la communication.
- Encourager l’échange de bonnes pratiques et d’astuces quotidiennes (trucs et astuces, retours d’expérience) sur des outils utilisés par l’ensemble des services.
4e étape : Faciliter la compréhension entre services
Bien que nous fassions tous partie de la même entreprise, chaque employé n’a qu’une vision partielle de son fonctionnement global.
Cependant, il existe des moyens pour mieux comprendre le rôle et les activités des autres services.
Journée « vis ma vie »
Pour favoriser une meilleure compréhension et coopération entre les différents services de l’entreprise, vous pouvez proposer des journées d’immersion.
Par exemple, un collaborateur du service A pourrait passer une journée dans le service B.
Cette immersion permettrait de découvrir les contraintes, le rythme de travail, les enjeux et les outils utilisés spécifiques à ce service.

Un « vis ma vie » donne un aperçu concret du quotidien d’un autre métier que le sien
En partageant ainsi leur quotidien, les employés pourront avoir plus d’empathie et ils comprendront mieux les défis rencontrés par leurs collègues.
Présenter les rôles et responsabilités
Une autre piste est de réaliser des interviews (vidéos ou écrites), des quiz ou des infographies pour mieux faire connaître chaque métier et service.
Exemple
Vous pouvez organiser un quiz géant dans l’entreprise en posant des questions du type qui fait quoi ? Qui est-ce ?
Vous pouvez organiser ce quiz autour d’un process de l’entreprise end to end pour faire connaître les acteurs impliqués et l’ordre des étapes.
Retour d’expérience de Lisa Savoldelli
Diffuser l’information
Parfois, on se rend compte que l’on est mieux informé sur la situation politique dans un autre pays que le quotidien des projets de son entreprise 😲
Voici des propositions que je peux vous faire pour améliorer votre communication interne.
- Initier une newsletter commune à l’entreprise où des représentants de chaque service en voix au chapitre
- Lancer des mini-vidéos de présentation sur les projets phares de l’entreprise
- Féliciter pour les succès (de tous les services)
- Faire parler les hauts dirigeants et faire parler les « petites » personnes de l’entreprise, ce sont des personnes peu connues de l’entreprise et peu considérées et pourtant elles font partie intégrante de l’ensemble (comme les personnes de l’accueil). Vous créerez un esprit collectif et, en partageant ces histoires, la coopération sera facilitée dans l’entreprise grâce à cette vision globale.
5e étape : définir et suivre des indicateurs de performance partagés
Faire croître une entreprise est une œuvre commune et chaque service de l’entreprise y participe.
En identifiant des indicateurs clés communs, vous valoriserez la coopération et la transversalité dans l’entreprise.
Voici quelques indicateurs communs que vous pouvez suivre :
- qualité
- délai
- satisfaction client aussi bien interne qu’externe
Valoriser les projets transverses
Suivre les indicateurs, c’est une chose. Et les améliorer en est une autre.
En mettant en œuvre des projets transverses, c-à-t à dire inter-services, vous valoriserez la collaboration dans l’entreprise et les silos communiquent plus entre eux.
Certes, il y a un temps de mise en place qui peut être long. Notamment lorsque des projets concernent des services qui communiquent très peu entre eux au quotidien, néanmoins, le jeu en vaut la chandelle.
En tout cas, ce n’est pas en isolant chaque service que vous ferez croître l’entreprise dans son ensemble.
6e étape : Soutenir la coopération dans l’entreprise grâce aux ambassadeurs
Le rôle d’ambassadeur
L’ambassadeur permet de faire la passerelle entre leur service et le projet global.
Il est le point de contact unique pour les utilisateurs, répond à leurs questions ou les redirige vers les bonnes personnes (interlocuteurs techniques, par exemple).
Leur position est privilégiée parce qu’il est à la fois au courant de (presque) tout ce qu’il se passe dans le projet et, en même temps, il est au quotidien avec son équipe.
L’ambassadeur est un bon « thermomètre » de ce qui se dit dans l’équipe, positifs comme négatifs, sur la démarche de coopération dans l’entreprise.
Former et impliquer ces ambassadeurs
La montée en compétences des ambassadeurs est importante pour la réussite de leur mission.
Ils ont besoin de comprendre leur rôle dans un premier temps: ce que l’on attend d’eux et ce qui est en dehors de leur rôle.
Leur montée en compétences passe aussi sur des éléments de posture et de langage concernant leur mission.
Généralement, les ambassadeurs disposent d’un « kit ambassadeur » comprenant :
- leur fiche de mission
- la présentation du projet pour lequel ils sont ambassadeurs
- les bénéfices du projet
- le calendrier de déploiement
- les contacts importants
- une FAQ
- Les liens utiles
De plus, les ambassadeurs participent à des sessions d’échange sur site ou à distance, pour être régulièrement informés.
Communication ascendante et descendante (Top-down et bottom-up)
Cette dynamique est un des piliers du rôle d’ambassadeur.
Communication descendante : les ambassadeurs relaient les informations partagées par le projet, communiquent sur son avancement et promeuvent ses bénéfices auprès de leurs collègues.

La communication circule dans l’organisation aussi depuis les équipes que depuis les managers
Dans le sens ascendant, les ambassadeurs remontent à l’équipe projet les besoins spécifiques en formation ou documentation. Ils signalent les problèmes d’adoption et partagent des retours d’expérience du terrain.
Leur position unique permet d’enrichir le projet des réalités opérationnelles tout en assurant une communication efficace, rapide et large des avancées du projet.
La coopération, un levier durable de l’entreprise (mais long à amorcer) pour la performance collective
La coopération a de multiples bénéfices : moins de silos entre services, meilleur partage d’information, les salariés se sentent mieux au travail, moins de cafouillage des projets, plus de facilité pour que les changements soient intégrés dans l’entreprise.
N’empêche que mettre en place une démarche de coopération dans l’entreprise prend du temps !
Du temps pour créer un réseau d’ambassadeurs actifs, du temps pour définir une vision commune, du temps pour initier des rituels qui durent, du temps pour faciliter la compréhension des services.
Mais cela vaut le coût ! (admirer la reformulation 😁)
La coopération en entreprise est un processus continu.
Coopérer n’est pas un mot fixe comme « structurer », coopérer est un verbe d’action (un mot vivant), et l’action n’est pas figée. Elle se voit avec la dynamique des ambassadeurs, avec les échanges, avec les projets qui sont facilités.
Je terminerai cet article par une citation :
« En misant sur une gouvernance solide, une vision commune et une communication dynamique, la transversalité devient un véritable levier de réussite pour toutes les organisations qui placent l’humain et la coopération au cœur du changement. »
Sources :